« La Casa de papel », une incitation à la rébellion ?
La série espagnole diffusée sur Netflix s’empare du thème du braquage pour en faire une utopie sociale, explique le chercheur Pierre Sérisier.
Pierre Sérisier, enseignant à l’Ecole supérieure de journalisme de Lille, est l’auteur du blog « Le Monde des séries ».
Vous avez qualifié la série télévisée espagnole « La Casa de papel », d’Alex Pina, diffusée sur la plate-forme Netflix depuis décembre 2017, d’allégorie de la rébellion. Comment cela se manifeste-t-il, sur la forme et sur le fond ?
Le thème de la rébellion structure le scénario. Huit braqueurs s’enferment avec soixante-sept otages dans la Maison de la monnaie et du timbre, à Madrid, pour imprimer leur propre monnaie. Le personnage du « Professeur », cerveau du braquage qui, pendant cinq mois, forme ses coéquipiers à ce « casse du siècle », donne ses motivations : remettre en cause le fonctionnement du système économique et financier.
Cette contestation très nette est inscrite au cœur des dialogues comme à travers de nombreux détails : l’utilisation récurrente de la chanson révolutionnaire italienne Bella Ciao, les tenues portées par les braqueurs rappelant celles des prisonniers de Guantanamo, ou leurs masques évoquant ceux des Anonymous ainsi que le visage de Salvador Dali, briseur de codes par excellence. Formellement, la construction du scénario procède elle aussi d’une rupture. Toutes les fictions de braquage obéissent à certaines normes, prenant la forme d’une lutte contre le temps. Ici, l’idée de départ est révolutionnaire : le braquage doit durer le plus longtemps possible, chaque minute gagnée permettant un tour de plus de la planche à billets.
De nombreuses histoires humaines et d’amour se tissent et n’épargnent aucun personnage, rapprochant la série du soap opera. Est-ce une concession au genre ou un choix signifiant sur le plan des idées ?
Ce dispositif narratif soutient la réflexion politique de la série. Une fois enfermés dans la Maison de la monnaie et du timbre, les personnages n’ont rien d’autre à faire que d’attendre que les rotatives tournent...
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