«Je me suis fait insulter dans tous les sens», les caissièr(e)s victimes des incivilités des clients racontent leur calvaire 👩🏼💼
TOUS CITOYENS Régulièrement, les hôtes et hôtesses de caisse qui travaillent dans la grande distribution doivent faire face aux insultes voire aux gestes déplacés de la part de clients qui n’hésitent pas à montrer leur mécontentement…
- Lundi dernier, les anecdotes de caissier du jeune Robin V ont été retweetées plus de 25.000 fois.
- Les syndicats relèvent que de plus en plus d’hôtes de caisse se font insulter par les clients dans les grandes surfaces.
- Carrefour a mis en place une formation de gestion des conflits pour apprendre à ses salariés comment réagir face à ces situations.
Si vous êtes sur Twitter, ce témoignage retweeté plus de 25.000 fois ne vous a sûrement pas échappé. Robin V a ému la Toile lundi dernier en partageant des anecdotes sur son job d’étudiant.
Âgé de 21 ans, Robin est caissier les week-ends dans un Carrefour situé en Seine-et-Marne. Et il fait régulièrement face à des incivilités, voire des violences de la part de certains clients. Exemple : «Ce week-end, c’était vraiment trop. Je me suis fait insulter dans tous les sens, sans raison. Les gens ont perdu la notion du respect en France ». Ou encore : « Dimanche y a du monde en caisse. Une dame vient me voir car elle a des enfants handicapés et aimerait passer en caisse prioritaire, les gens ne la laissent pas passer. Je l’accompagne, rappelle à tout le monde que c’est une caisse prioritaire et qu’elle passera devant eux. » Et parfois la situation dégénère : « Une dame fait la queue en caisse prioritaire avec son bébé. 3 clients passent devant elle car ils sont handicapés. Pris d’impatience elle prend ses boîtes de conserve et les lance dans la gueule de la caissière prétextant qu’elle a trop attendu. »
« Travaille bien à l’école sinon tu vas finir comme le monsieur »
Le constat du jeune homme est loin d’être isolé. 20 Minutes a reçu des dizaines de témoignages similaires après notre appel posté sur Facebook. « J’ai été hôte de caisse pendant près de 6 ans, le temps de mes études. Je tiens à tirer mon chapeau à celles et ceux qui font carrière dans cette branche. S’il y a bien un métier difficile et dévalorisé c’est celui-ci. Combien de fois ai-je entendu la mère dire à son gosse “travaille bien à l’école sinon tu vas finir comme le monsieur”. Sauf que le monsieur a des oreilles et que ces propos sont blessants », raconte Pandatoine.
Il y a des propos qui vont parfois encore plus loin : « Je suis caissière depuis huit années. J’ai travaillé chez Auchan puis chez Leroy Merlin. Un jour, une de mes collègues encaisse un artisan. Elle lui explique que pour avoir sa remise artisan, celui-ci doit présenter sa carte de fidélité. Sa réponse, après deux minutes de débat : “connasse” », raconte Stéphanie.
Des formations de gestion des conflits
Jean-Marc Robin, délégué syndical FO chez Carrefour Market constate que ces situations sont récurrentes. Dans ce contexte, l’entreprise, qui n’a pas répondu aux questions de 20 Minutes, a,selon lui, mis en place « une formation de gestion des conflits permettant aux salariés d’apprendre à ne pas répondre aux agressions ». « Certains magasins de l’enseigne ont également décidé d’afficher des panneaux pour rappeler aux clients les règles de courtoisie, mais l’expérience a été de courte durée. « La campagne n’a pas été efficace. C’est un problème humain, donc c’est compliqué à résoudre », estime Jean-Marc Robin.
« Dans les magasins, on dit aux caissiers et caissières de rester calmes, de ne pas surenchérir. Mais malheureusement on ne peut pas faire grand-chose de plus, on ne va pas apprendre aux citoyens à être polis et patients. « On est dans une société de plus en plus impatiente et tendue. Certains clients expriment leur mauvaise humeur due certainement au stress ou à la pression de la vie en ville. C’est un phénomène croissant, mais pas que dans la grande distribution, ailleurs aussi : chez les boulangers, dans les petits commerces… », renchérit Thierry Desouches, porte-parole de Système U.
« Le client est roi »
Pire encore, il arrive aussi que des salariés victimes du comportement de certains clients ne soient pas défendus par leur hiérarchie. « Il y a cinq ans, un salarié a reçu une claque. Le chef ne l’a pas défendu. Le client est roi, et c’est devenu tellement normal que les caissiers ne se plaignent plus. Ils ont peur d’être sanctionnés », explique Robert Bellamy, délégué syndical de la CGT au Carrefour d’Epinal, en Lorraine.
«Dès l’instant où ils paient, les consommateurs estiment avoir le droit de tout faire. Le problème, c’est que la direction refuse d’aller porter plainte lors de litiges. On essaie d’en parler, mais Carrefour planque ça sous le tapis. Dans le magasin où je travaille, ça va encore. Mais je pense à Marseille, et là-bas c’est plus compliqué », souligne Patrick Aït-Aissa, délégué syndical de la CGT au Carrefour d’Aix-en-Provence. « La maxime “le client a toujours raison” doit avoir des limites dans les cas de violence », tempère le porte-parole de Système U.
Sociologue et coauteur des Crises de la grande distribution, Mathieu Hocquelet constate que dans les magasins ce sont « les caissières, en général, qui reçoivent plus de pression car elles sont les dernières humaines que les clients verront avant de quitter le magasin. Et quand elles sont stressées, elles ne peuvent pas aller souffler deux minutes, elles doivent rester au poste ». La tension est forte aussi pour « les caissières d’astreinte aux caisses en libre-service et qui doivent par exemple gérer les énervements des clients qui n’arrivent pas à faire fonctionner la machine. »
Mais tout n'est pas toujours négatif, comme le raconte Mélanie : «Franchement moi j’ai adoré ma période caisse. Les petits mots glissés dans la main lors d’un rendu monnaie, les nouveaux amoureux, les vieux couples… Ces relations commerciales sont très enrichissantes.»
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