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Sauvegardons les mots de nos régions !

La chocolatine, la bugne, le cornet... Ces mots renvoient chacun à un imaginaire bien précis de nos régions. Loïc Depecker a recensé avec humour et concision dans son Petit Dictionnaire Insolite des mots régionaux ces termes et locutions qui constellent l'hexagone.




«Nous sommes tous de quelque part et chacun d'une région.» La première de couverture du Petit Dictionnaire Insolite des mots régionaux de Loïc Depecker, sous-titrée de bulles et mots multicolores est sans équivoque: où que l'on aille et quoi que l'on fasse, nous portons tous avec nous un héritage local. Une tradition, un patrimoine ou une culture qui font de notre passé et de notre présent une richesse. À commencer dans notre langage.
C'est un fait, on ne parle pas de la même manière selon que l'on se situe en Bretagne, à Strasbourg ou dans les Alpes. Mais voilà la belle France! Malgré le centralisme parisien et notre tendance à angliciser ce qui se comprend pourtant très bien en français, les particularismes nous rappellent l'existence de ces accents chantants et de ces prononciations étonnantes qui colorent l'hexagone. Lorsqu'une averse vient à s'abattre sur le pays il est ainsi plaisant d'entendre lancés le terme«drache» dans le Nord, la locution «abat d'eau» dans l'Ouest ou l'expression «faire des grelots» en région Bourgogne. Et que dire des «cornets», «nylons», «poches» et autres sachets en plastique qui s'échangent aux caisses des supermarchés? Ou bien encore des panosses savoyardes, des panouilles lyonnaises, des wassingues ch'ti et de ses autres serpillières qui émaillent nos chaumières?

Chocolatine ou Pain au chocolat?

Qu'importe les oiseaux moqueurs! Les idiotismes et mots régionaux font notre rayonnement. Dans son Petit Dictionnaire Insolite des mots régionaux, Loïc Depecker, professeur en sciences du langage à l'université de Paris-Sorbonne tend à nous montrer ce dynamisme. Divisé en 42 thématiques, le glossaire nourri d'une impressionnante bibliographie aborde avec concision et humour l'histoire et les diverses facettes de la langue française.
Dans son préambule, l'auteur nous rappelle ainsi que les mots de nos ancêtres -s'ils sont reliés à un passé historique- tirent aussi leur source de leur origine géographique. Ainsi la «cavée» normande fait-elle référence au «chemin creux particulier au bocage» et les «corons» du Nord, à l'alignement des maisons de mineurs construites les unes à côté des autres. Et que dire des chocolatines ou des pains au chocolat qui suscitent encore et toujours le débat selon que l'on habite dans l'est ou l'ouest de la France?

«Il faut se hâter de sauvegarder les mots régionaux»

Si la langue française a permis d'uniformiser les centaines d'idiomes qui émaillaient le territoire, elle a néanmoins perdu de sa couleur. Plus qu'une généalogie spatiale donc, le directeur de recherches nous précise que le verbiage régional est surtout une façon de «couvrir un manque». Une manière de redonner une réalité concrète et typique à un vocabulaire qui a été standardisé. Le lecteur (re)découvrira alors amusé parmi d'autres milliers de mots, des termes cocasses comme le verbe savoyard «blonder» (courtiser les femmes), l'expression typiquement ardennoise «baise-cul» pour qualifier un «flatteur» ou la non moins belle formule bourguignonne «Aimez-moi» désignant les Myosotis.
Le patois n'est donc pas ici à prendre comme un infralangage mais comme «un terme noble», permettant d'illustrer «l'inventivité des parlers régionaux». Face à des idiomes, devenus lingua non grata pour certains en société qui semblent vouloir taire leurs origines et leurs accents, l'auteur rappelle l'intérêt de leur transmission pour la culture et l'identité des France.
«Il faut se hâter de sauvegarder ces mots et expressions du français régional, car ils tendent à disparaître. Ils sont souvent utilisés entre amis ou en famille, avec un air de connivence qui en dit long sur leur fragilité, mais aussi sur le sentiment profond d'appartenance à sa région que l'on peut avoir à travers eux.» Plus qu'un dictionnaire humoristique, le savoureux recueil de Loïc Depecker se lit finalement comme «un livre de classe»: instructif, inventif et historique. À lire et déguster sans modération!

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