LANGUE FRANÇAISE - À l'annonce des résultats du premier tour de l'élection présidentielle le chef de file du mouvement En Marche ! a indiqué vouloir s'ériger en président des «patriotes face aux nationalistes».
Ils n'ont cessé d'émailler les discours des candidats à la présidence de la République ces derniers mois. Les termes «patriotisme» et «nationalisme» oscillent invariablement de l'extrême gauche de l'échiquier politique chez Jean-Luc Mélenchon, à son opposé, à droite, dans les discours de François Fillon ou ceux de Marine Le Pen. Dimanche soir, à l'annonce des résultats du scrutin du premier tour, le chef de file du mouvement en Marche!, Emmanuel Macron a confronté les deux mots politiques en affirmant qu'il serait le président des «patriotes» et non celui des «nationalistes». Une manière d'exprimer sémantiquement son opposition à la candidate du Front National.
Mais quelle nuance comprendre entre les deux termes? Signifient-ils une même idée pour Emmanuel Macron et Marine Le Pen? Pourquoi ce choix de lexique?
Selon le CNRTL, le patriotisme, du bas latin «compatriote» désigne l'«attachement profond et le dévouement à la patrie». Il qualifiait à la fin du XVIIIe siècle «les partisans de la Révolution».
Le nationalisme, quant à lui, qualifie non seulement, d'après Le Petit Robert, «une exaltation du sentiment national», mais une «doctrine fondée sur ce sentiment, subordonnant toute la politique intérieure au développement de la puissance nationale et revendiquant le droit d'affirmer à l'extérieur cette puissance sans limitation de souveraineté». Du latin natio (dérivé du verbe nasci «naître»), le terme national renvoie originellement à l'idée de «naissance, d'un ensemble d'individus nés dans un même lieu».
Concepts historiques
Il est donc intéressant de constater que, même si le chef de file du mouvement en Marche! se refuse à employer des mots politiquement marqués, «ni de droite ni de gauche», il n'a aucune hésitation à utiliser et opposer deux concepts historiques. Un choix d'autant plus étonnant qu'il renoue avec le discours d'un certain candidat d'extrême gauche qui faisait encore en février dernier sur le plateau de France 2, la distinction entre les deux termes. «Elle [Marine Le Pen], lançait Jean-Luc Mélenchon, ne croit pas en la nation républicaine. Parce qu'elle est pour la préférence nationale, parce qu'elle est pour le droit du sang, tandis que moi je suis pour le droit du sol. [...] Je ne suis pas un nationaliste, je suis un patriote, ça n'a rien à voir!»
Mais n'essayons pas de confisquer cet emploi du patriotisme aux seuls électeurs d'extrême gauche. On retrouve le mot «patriote» chez François Asselineau de l'Union populaire républicaine, qui revendique sa filiation au terme, chez Jean Lassalle, pour s'adresser à ses électeurs «Mes chers compatriotes», ou chez Nicolas Dupont-Aignan pour s'ériger en «rassembleur des patriotes».
Patriote et mondialiste
Pour le candidat d'En Marche!, il est avant toute chose une manière de s'ériger contre la politique internationale et économique de Marine Le Pen. En meeting début avril à Marseille, Emmanuel Macron expliquait ainsi: «Être patriote, c'est vouloir une France forte, ouverte dans l'Europe [...] Ce n'est pas le repli sur soi.» Une façon de confronter vision mondialiste et vision protectionniste. En mars dernier, Emmanuel Macron élargissait sa définition en donnant au patriotisme une couleur historique: «Nous sommes un peuple de France, patriote par cette histoire riche et large, par cette culture commune», en précisant que «les vrais patriotes regardent le passé et l'avenir et savent les réconcilier.» Une vision conciliante et synthétique qu'il agrémentera d'une touche socialiste en y opposant un mois plus tard la célèbre phrase de Mitterrand: «Le nationalisme c'est la guerre.»
Étrangement donc, si Emmanuel Macron se considère comme patriote, Marine Le Pen en fait de même. Dimanche, la candidate du Front national appelait «tous les patriotes sincères, quels que soient leurs origines et leur vote au premier tour, à sortir des querelles périmées» et à voter pour elle, pour «l'unité nationale».
Outre cette conception similaire, le «patriote» s'oppose chez Marine Le Pen au «mondialiste». Une manière de confronter sa vision économique pour «la priorité nationale» et la «souveraineté monétaire» à la pensée ultralibéraliste qu'incarne Emmanuel Macron. Ainsi donc, le patriotisme chez Marine Le Pen n'est pas tant un sentiment qu'une conviction, une pensée, une idéologie. Un concept qui sans dire son nom s'affilie donc bien au «nationalisme».
Publié http://www.lefigaro.fr/langue-francaise/actu-des-mots/2017/04/24/37002-20170424ARTFIG00158-presidentielle-quelles-differences-entre-patriotisme-et-nationalisme.php
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