Ce mercredi 26 avril, à Drouot, la missive dans laquelle le romancier se plaignait, un peu jaloux, des amours bruyants de ses voisins. Ce bijou de la collection Bonna a été emporté pour 28.336 euros. Mise en vente par Pierre Bergé et Associés, en association avec Sotheby's, elle était estimée entre 6000 et 8000 euros.
C'est un formidable résultat pour un manuscrit. Ce mercredi 26 avril, dans l'après-midi à Drouot, la lettre de Marcel Proust de la collection Bonna sur les ébats sexuels intempestifs de ses voisins a trouvé un acquéreur hardi, prêt à débourser pour 28.336 euros la posséder. Mise en vente par Pierre Bergé et Associé, en association avec Sotheby's, elle était estimée entre 6000 et 8000 euros. Cette missive, jouissive, a été achetée après une âpre bataille entre le téléphone et un enchérisseur sur Internet.
L'éminent bibliophile Jean Bonna vendait aujourd'hui une partie de sa formidable collection de livres et de manuscrits historiques. Au milieu de tous ces trésors, estimés à trois millions d'euros, cette pépite située à la fin du catalogue organisé par ordre alphabétique des écrivains, au lot 245, a donc été l'un des clous de cette enchère.
Il faut dire que l'histoire de ce manuscrit est savoureuse. Dans une lettre de sa main adressée à son loueur, un dénommé Jacques Porel, non datée mais écrite vraisemblablement après le 15 juillet 1919, l'auteur d'À la recherche du temps perdu se plaint du «boucan» fait par ses voisins.
Il s'agit en réalité d'ébats amoureux intempestifs et répétés qui gène la quiétude de Marcel Proust. Avec autant de style que d'humour, le romancier confie sa frustration à son logeur: «Les voisins dont me sépare la cloison font d'autre part l'amour tous les deux jours avec une frénésie dont je suis jaloux. Quand je pense que pour moi cette sensation est plus faible que celle de boire un verre de bière fraîche, j'envie ces gens qui peuvent pousser des cris tels que la première fois j'ai cru à un assassinat. Mais bien vite le cri de la femme reprit une octave plus bas par l'homme, m'a rassuré sur ce qui se passait. [...] Je serais désolé que Madame votre mère m'attribuât tout ce boucan, qui doit être entendu jusqu'à des distances aussi grandes que ce cri des baleines amoureuses que Michelet montre dressées comme les deux tours de Notre-Dame. [...] Je vous prie réhabilitez-moi auprès de Madame votre mère pour l'amour et pour le piano. Je ne connais que l'asthme. [...]»
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