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Courtisez en bonne et due forme !

MOTS DE TOUS LES AGES - La rédaction vous fait découvrir chaque vendredi la chronique de Jean Pruvost, éminent lexicologue, auteur d'un Dico des dictionnaires qui fait référence. L'écrivain revient aujourd'hui sur l'histoire de l'amour courtois jusque chez nos jeunes rappeurs.



Nos dictionnaires du XVIIe siècle ne sont pas sans un charme parfois un peu cru. Quelle définition est ainsi offerte du verbe «courtiser» dans le Dictionnaire universel, paru en 1690? «Flatter quelqu'un pour en tirer du profit.» Jusque-là tout va bien, mais la suite se révèle moins élégante: «Cageoller les Dames pour leur faire l'amour.» Diable! On sait éviter de telles audaces dans notre Petit Larousse: «Faire la cour à une femme, chercher à faire sa conquête» reste assurément plus délicat. Quant à «flatter une personne par pur intérêt», même si l'attitude décrite reste sans grandeur, la définition et la pratique en restent presque immuables.

DE LA VEUVE ET DU TESTAMENT
Les exemples des dictionnaires témoignent presque toujours des pratiques et pensées d'une époque. Ainsi, ceux forgés par Furetière en 1690 restent-ils éloquents: «Il y a longtemps que ce jeune homme courtise cette veuve, il est tantôt temps qu'il l'espouse.» Qu'attend-il en effet? C'est plus explicite pour la situation décrite dans le second exemple: «Il cageolle, il courtise ce vieillard, pour estre mis dans son testament.» Rien de glorieux!
COURTISER LES MUSES
Fort heureusement, ce verbe plaisant à l'oreille, emprunté à l'italien «corteggiare», issu de «corte», la cour du monarque, a également ses grandeurs: «On dit aussi, qu'un homme courtise les Muses, les neuf Sœurs, pour dire, qu'il aime à faire des vers, qu'il est poète déclaré.» Voilà qui est mieux.
SANS NAQUETER…
On a oublié le verbe «naqueter», que l'Académie en 1694, déjà claire et précise, assimile au fait de «suivre quelqu'un, ou luy faire la cour servilement». Il était en lien direct avec le «naquet», le «petit garçon ou valet de pied». En revanche si le verbe n'est plus en usage, gageons que la pratique décrite n'a pas changé: «Il y a bien des gens qui vont naqueter à la porte des Grands, pour en tirer quelque présent, quelque secours, quelque protection.»
DU NAQUET AU BOUG
Sans doute parce que le naquet récrimine de temps à autre, à juste titre, un autre sens avait cours pour «naqueter»: «Contester pour des choses légères». Courtois sans trop naqueter: ce pourrait être la définition d'un «boug», dans le vocabulaire des jeunes rappeurs. Un mot qui aurait été tiré d'un créole. Traduisons quelqu'un de bien. Ce n'est pas si rare!

  • Mis à jour 
  • Publié 
    http://www.lefigaro.fr/langue-francaise/expressions-francaises/2017/03/31/37003-20170331ARTFIG00011-courtisez-en-bonne-et-due-forme.php

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