«La célébrité ne s'acquiert pas sur un lit de plumes.» Nombre de nos dictons ont disparu. Paul Desalmand et Yves Stalloni les ressuscitent dans Proverbes oubliés expliqués (Chêne). Un ouvrage pédagogique, à la plume fine et humoristique.
Les mots changent au fil des saisons comme l'eau coule sous les ponts. C'est un fait. Il ne sied plus de converser comme nous le faisions il y a de cela un siècle et comme nos ancêtres jaspinaient déjà au XIXe siècle ou dégoisaient quelque cent ans auparavant.
Si certaines formules gréco-latines nous sont restées, à l'instar des formules: Carpe Diem, in medias res, ut pictura poeisis, ex machina, etc., comme celles de La Fontaine ou Charles Perrault, qu'en est-il des proverbes? Ces adages nés sous l'ère médiévale, durant la Renaissance, en pleine Révolution ou bien encore ces axiomes qui existaient il y a soixante-dix ans?
«Qui se sent morveux, se mouche»
Paul Desalmand, normalien, et Yves Stalloni, agrégé de lettre modernes ont tenté de recouvrer ces phrasés méconnus dans leur livre sobrement intitulé Proverbes oubliés expliqués (Chêne). Un recueil pédagogique, à la plume fine et humoristique qui suit avec sagesse l'axiome ésopien du docere et placere, à savoir «plaire et instruire». Le projet de lecture est clair. Toi, curieux lecteur, qui ouvrira ce livre, n'en ressortira pas sans une bonne leçon de français pour désormais parler le bagou latin et médiéval... et même étranger!
En quelque 90 pages, les auteurs qui ont «opéré une sélection à l'intérieur d'un corpus immense et quasi illimité» parviennent à retracer un condensé de l'histoire des maximes qui ont marqué leur temps. Le lecteur amusé redécouvre ainsi que le proverbe «la critique est aisée et l'art est difficile», de Destouches (faussement attribué à Boileau) au XVIIe siècle fut l'équivalent de l'adage grec au Ve siècle avant notre ère de: «Il est plus facile de critiquer que d'imiter» ; que l'expression «qui se sent morveux, se mouche» est une autre manière de dire «que le coupable se reconnaisse» ou bien encore, que la formule «Quand les chauves meurent, les regrets en font des têtes bouclées» employée en politique désigne le fait de «tout pardonner» à un individu qui est subitement devenu inoffensif...
«Il vaut mieux péter en compagnie que crever seul»
Parfois éclairés par leurs équivalents turcs, danois, chinois, etc., les dictons deviennent alors des «miroirs tendus» sur la culture du monde. Ainsi les Arabes ne disent-ils pas «si les chats gardent les chèvres, qui attaquera les souris?» (à chacun son métier) mais «donnez votre pain à cuire à un boulanger, dût-il vous en manger la moitié». De même que les Espagnols préfèrent à notre ancien adage: «par la rue Plus tard, on arrive à la place Jamais» (attention à la procrastination), leur formule: «Demain est souvent le jour le plus chargé de la semaine.»
Outre les expressions «pardonner est d'un chrétien, oublier est d'un couillon» (pardonner n'est pas oublier), «il vaut mieux péter en compagnie que crever seul» (préférons les groupes à la solitude) qui nous font doucement sourire, ce sont les commentaires distanciés et documentés des auteurs qui valent bien plus encore dans le livre leur pesant d'or. À chaque formule, sa référence, sa citation, son histoire.
Si c'est bien dans les vieux grimoires qu'on fait les meilleurs livres, comme dit (à peu près) le proverbe, alors l'ouvrage de Paul Desalmand et Yves Stalloni est sans conteste celui qu'il vous faudra découvrir pour parler le verbiage d'antan et d'aujourd'hui.
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