Jean-Pierre Boudhar loue des studios à des sans-abris, dans le nord de la France. Si cet agent immobilier est aussi sensible à la cause des SDF, c’est parce qu’il a lui-même été confronté à la rue dans sa jeunesse.
Avec des températures passant sous la barre des 0°C, l’hiver est rude en ce début d’année. Vendredi, plusieurs départements ont mis en oeuvre le Plan grand froid. Déclenché par les préfectures, ce dispositif interministériel prévoit une vigilance accrue à l’égard des personnes en situation de précarité et les SDF, premières victimes de la météo peu clémente.
Afin d’offrir un peu de confort aux sans-abris, un agent immobilier du nord de la France va plus loin et leur propose un toit. Âgé de 59 ans, Jean-Pierre Boudhar loue en effet les chambres des deux immeubles qu’il possède, à Lomme et à Lambersat, près de Lille. Meublées et équipées d’une petite cuisine, ces chambres mesurent environ 15 mètres carrés. Lavabo, douche et toilettes sont mis à disposition dans les parties communes.
Mais attention, les règles de vie sont strictes. «Les locataires doivent absolument respecter le calme des autres résidents, à partir de 22 heures, et ne pas accueillir d’autres personnes dans la résidence», détaille Jean-Pierre Boudhar au Figaro. «Chacun doit également faire preuve de propreté et bien ranger ses affaires, sinon après c’est le bazar». Le loyer? En théorie, il s’élève à 320 euros par mois par chambre, mais les locataires ne versent que 80 à 92 euros. La différence est prise en charge par les aides locatives du Revenu de Solidarité Active (RSA). De son côté, l’entrepreneur règle les charges et les frais de ménage.
À 17 ans seulement, il dormait dans la rue
Jean-Pierre Boudhar a débuté cette initiative, il y a quinze ans. Les deux immeubles étaient alors occupés par des SDF, qui sont ensuite restés, tandis que le nouveau propriétaire a rénové les lieux. La raison? «Je sais ce que c’est de dormir dans la rue: j’ai dormi dans une voiture, sous des cartons...», témoigne-t-il. Né dans une famille nombreuse, Jean-Pierre Boudhar a en effet été confronté très tôt à la violence et à la précarité. Il a ainsi été balloté de foyer en foyer, et se retrouve à la rue.. à 17 ans seulement. Jusqu’à ce fameux jour, où il rencontre trois étudiants qui l’accueillent une nuit. Il restera finalement cinq ans en colocation avec eux.
Pour choisir ses locataires, il collabore désormais avec le Collectif des SDF de Lille. Créé en 2011, il permet d’aider les SDF, notamment dans leurs démarches administratives. «Nous avons beaucoup de demandes de logement, parce que les centres d’hébergement à Lille sont pleins à craquer», assure Dominique Calonne du collectif, au Figaro. «Il faut savoir qu’il y a entre 300 et 500 personnes qui dorment tous les jours dans la rue à Lille».
«Dans les chambres que je loue, il n’y a que des hommes, âgés de 35 à 72 ans», affirme l’agent immobilier. «Mais il est vrai que les locataires rajeunissent depuis quelques années». En théorie, les sans-abris ne sont pas censés rester plus de deux ans, mais certains sont présents depuis le début. Au total, ce sont vingt personnes sans domicile fixe qui sont hébergées.
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