Le 3 mai, c’est la Journée mondiale de la liberté de la presse. Parlons-en un peu, puisqu’on a le droit de le faire, nous.
Ces temps-ci, le journalisme est la patte-de-meuble-contre-laquelle-on-se-frappe-l’orteil des métiers : il est mal aimé et il est dans le chemin.
Le journaliste est mal aimé du public, qui trouve 1 000 défauts à son travail. Public a parfois raison : tous les articles ne sont pas un Pulitzer, et ce n’est pas avec un 284e vox pop sur la météo qu’on va régler le sort du monde. Mais parfois, Public est juste mécontent parce que les faits ne s’accordent pas bien avec ses opinions.
Les politiciens, eux, trouvent que le journaliste est dans le chemin. Il est là avec ses questions et son fouinage, et si on ne fait pas attention, on peut se retrouver avec une commission d’enquête sur les bras. C’est tannant. Le journaliste ne gagnerait-il pas à se trouver un autre emploi avant que son journal ferme ou que son poste soit supprimé ?
Et je ne vous parle même pas des conditions de travail, parce que, justement, crise des médias oblige, il y a de moins en moins de conditions, et de moins en moins de travail.
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Connaissez-vous l’histoire de l’événement où aucun journaliste n’était allé ? Non ? C’est normal : aucun journaliste n’y est allé.
Les journalistes ont peut-être bien des défauts, mais on pourrait difficilement s’en passer. Et pourtant, une bonne partie de la planète est obligée de le faire. Selon l’organisation de défense des droits de l’homme Freedom House, seulement 14 % des habitants de la planète vivent dans un pays ayant une presse libre. À l’opposé, 44 % vivent dans un pays sans liberté de presse et 42 % avec une liberté partielle.
Il n’y a plus aucun correspondant international en Érythrée, et ce n’est pas seulement parce que personne ne sait où c’est. Le dernier a été expulsé en 2007.
En Corée du Nord, je serais jeté en prison avant d’avoir terminé d’écrire mon article «Kim Jong Un : une coupe de cheveux critiquée».
L’Arabie saoudite a le meilleur gouvernement au monde. C’est du moins ce qu’il vaut mieux écrire si l’on ne veut pas se retrouver devant un tribunal, comme ces sept Saoudiens accusés de cybercriminalité en octobre dernier pour avoir critiqué les autorités sur Twitter. En comparaison, la horde qui tombe sur quiconque ose critiquer PKP sur Twitter semble bien douce.
Ces trois pays sont en tête du triste palmarès des pays qui exercent la censure la plus forte. En comparaison, la liberté de presse est en assez bon état au Canada. Mais comme on dit : comparé à Guy A. Lepage, tout le monde a l’air de pouvoir gagner à La Voix.
Au Canada, les ennemis de la liberté de presse sont plus subtils qu’un séjour en prison, mais ils existent.
C’est un premier ministre qui limite de manière draconienne le nombre de questions, comme s’il avait peur qu’on entende ses réponses. (Hum… à bien y penser, c’est peut-être vraiment pour ça…)
Ce sont des scientifiques du gouvernement qu’il est si difficile d’avoir en entrevue qu’on a l’impression de parler à Bono quand on réussit à en avoir un devant nous.
Ce sont des organismes gouvernementaux qui refusent de plus en plus souvent de remettre des documents, ou qui les livrent des mois après la demande, comme s’ils confondaient le rythme de publication d’un journal et celui du Bye Bye.
Ce sont des manifestants qui mélangent caméramans et piñata, et des policiers qui parquent les journalistes des grands médias loin de l’action, pendant qu’ils arrêtent le journaliste d’un plus petit média. Par accident, bien sûr. Toujours.
Ce sont des conseils de ville qu’il est interdit de filmer, parce que le maire croit que la caméra lui ajoute 10 livres. Mais n’allez pas écrire ça dans le journal local, où il va faire retirer du journal toutes les publicités de la ville.
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La liberté de presse, ce n’est pas qu’une histoire de journalistes.
Si on lui interdit de faire un article ou de traiter d’un sujet, le journaliste va trouver un autre sujet et un autre article à écrire. C’est son métier.
Au lieu d’un article sur la concentration de mercure dans l’eau potable, le journaliste va faire «10 photos de pandas adorables». Votre vie est-elle en danger ? On ne sait pas, mais regardez-moi ces beaux pandas.
Le perdant, quand on limite la liberté de la presse, c’est toujours le public. Parce que ce sont les secrets qui permettent d’en passer de petites vites. Parce que c’est l’obscurité qui permet aux puissants de nous faire des grimaces.
En savoir plus : http://www.lactualite.com/actualites/politique/la-liberte-de-la-presse-contre-les-grimaces-des-puissants/
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