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Ces Français qui renouvellent la pensée

La France n'est pas seulement riche de son passé et de ses musées, elle regorge de talents qui rayonnent au-delà de nos frontières. Confirmés ou prometteurs, ces nouveaux génies dessinent l'avenir avec brio, à l'instar de ces intellectuels iconoclastes. 


Ces Français qui renouvellent la pensée
Lauréat, en 2010, de la médaille Fields, Cédric Villani a bouleversé l'image des mathémathiques.
afp.com/Joel Saget

Esther Duflo, économiste

Etoile du Sud



Aussi brillante que discrète. A 42 ans, cette diplômée de l'Ecole normale supérieure, d'abord attirée par l'histoire, a réussi à imposer une méthode inédite pour évaluer les politiques de lutte contre la pauvreté. Et, par là même, à renouveler les théories sur un sujet souvent marqué par un regard trop ethno-centré. Doctorante du célèbre Massachusetts Institute of Technology (MIT), où elle a commencé à enseigner dès 1999, elle y fonde en 2003, avec Abhijit Banerjee, le Jameel Poverty Action Lab (J-PAL).  
>> Notre dossier sur les nouveaux génies français 
La première expérimentation porte sur un programme de soutien scolaire en Inde ; sur le modèle du placebo dans la recherche médicale, l'étude compare un groupe d'enfants qui en bénéficient avec un groupe témoin. Dix ans plus tard, l'équipe codirigée par Esther Duflo, de plus en plus sollicitée par les gouvernements, peut se targuer d'avoir mené quelque 500 projets et démonté bon nombre d'idées reçues sur la façon de répondre aux besoins des pauvres.  
Lauréate à 37 ans de la médaille John Bates Clark -souvent annonciatrice du Nobel d'économie-, Duflo cumule depuis les récompenses. Dernière en date : le prix Albert-Hirschman, qui distingue les travaux ayant un impact sur "les politiques sociales et la vie quotidienne". La chercheuse, aujourd'hui jeune maman, travaille en ce moment sur la conception et l'évaluation d'un projet d'apprentissage des maths par le jeu pour les 3-4 ans dans les bidonvilles de New Delhi. Son ambition : avoir touché, d'ici à cinq ans, 300 millions de personnes avec des programmes dont l'efficacité a pu être prouvée par le J-PAL.  

Cédric Villani, directeur de l'institut Henri-Poincaré

Matheux d'exception

Lauréat, en 2010, de la médaille Fields, l'équivalent du prix Nobel pour les mathématiques pour les moins de 40 ans, Cédric Villani incarne parfaitement la renommée de l'école française - tout comme Artur Avila qui a décroché la dite récompense cette année. Mais, avec son look si particulier (chemise jabot, lavallière et araignée en broche), il a aussi bouleversé l'image de la discipline, dont les termes -géométrie riemannienne, amortissement Landau- et les applications restent obscurs pour le commun des mortels. Surtout, à 41 ans désormais, Villani entend bien être "dans son temps", à l'inverse de nombre de ses confrères.  
Résolument engagé à gauche, membre du think tank EuropaNova, il est convaincu de la nécessité de penser le monde au-delà des frontières nationales. Ses projets ? Un livre d'entretien avec Bartabas, un "roman graphique", des conférences grand public, un Mooc enregistré avec un confrère sénégalais, l'intégration de jeunes handicapés dans l'association "Musaïques", qu'il préside... N'en jetez plus ! "Bon courage pour résumer tout cela en quelques mots", lance-t-il avec humour. On ne le lui fait pas dire. 

Thomas Piketty, économiste

Best-seller capital 



Pour Thomas Piketty, 2014 est l'année de la consécration, avec le triomphe de son pavé -près de 1000 pages !- Le Capital au XXI e siècle (Seuil). Succès d'estime lors de sa parution en France, à la rentrée de 2013, l'ouvrage, fruit de vingt années de travaux, est devenu un best-seller aux Etats-Unis (près de 500000 exemplaires vendus). Un triomphe outre-Atlantique qui a fait de l'économiste de 43 ans, un des fondateurs de l'Ecole d'économie de Paris, une attraction de renommée mondiale. Brillant, novateur, le livre de Piketty mérite l'engouement qu'il suscite. Non tant par sa thèse -pour résumer grossièrement, le développement des inégalités est consubstantiel à la dynamique du capitalisme- que par sa démarche.  
L'auteur a compilé une masse inédite de données statistiques lui permettant d'apporter une démonstration par la preuve. Surtout, il a su tendre à l'Amérique un miroir suffisamment juste -sans complaisance, mais sans excès de fiel- pour qu'elle puisse s'y reconnaître. Le "moment Piketty" pourrait ainsi avoir été celui d'un basculement dans la manière dont la société américaine envisage son propre modèle et son rapport aux inégalités. Sans doute pas le moindre tour de force du Frenchie. 

Emmanuel Farhi, économiste

Détecteur de crises



Pur produit de la méritocratie tricolore, Emmanuel Farhi, 36 ans à peine, a brûlé les étapes. Lauréat du concours général de physique à 16 ans, premier au concours d'entrée de l'Ecole polytechnique, il intègre à 23 ans le corps des Mines, après une spécialisation en mathématiques. Le tout agrémenté d'un passage par l'Ecole normale supérieure, où son mentor, Daniel Cohen, le convainc de choisir l'économie. Puis de parachever ce parcours sans faute de l'autre côté de l'Atlantique.  
Installé aux Etats-Unis depuis 2006 -il enseigne à Harvard-, ce spécialiste de la prévention des crises financières n'en suit pas moins de près les débats qui agitent le Vieux Continent. Il est l'auteur de propositions originales visant à utiliser la fiscalité pour compenser les déséquilibres de la zone euro, et parvenir, à terme, à un véritable fédéralisme européen. Farhi n'imagine cependant pas rentrer au bercail. Convaincu que c'est dans la patrie du capitalisme que l'économie peut se réinventer... 

Bruno Latour, sociologue, anthropologue et philosophe

L'antimoderne 

Quel est l'intellectuel français contemporain le plus fameux et le plus traduit à l'étranger? BHL, Finkielkraut ? Non, Bruno Latour ! Aussi courtisé à l'étranger qu'ignoré dans l'Hexagone, ce brillant essayiste de 67 ans, prof à Sciences po après avoir enseigné à l'Ecole des mines, est aussi un amateur de théâtre plein de fantaisie et de convictions. Pourquoi un tel succès ? Parce que Latour explique mieux que quiconque en quoi notre vision de la modernité est dépassée. Et le prouve actuellement à Toulouse, dans une exposition intitulée "Anthropocène Monument". Il propose de rebattre les cartes en créant de nouvelles connexions entre politique, économie, culture, sciences et techniques. Une révolution de la pensée, pour tenter de répondre aux défis d'un monde devenu hybride, qui lui a valu l'an dernier de recevoir le prix Holberg, l'équivalent du Nobel pour les sciences humaines. 

François Taddei, chercheur

Sciences croisées

A 47 ans, François Taddei possède un CV à l'aune de son insatiable curiosité. Biologiste, polytechnicien, directeur de recherche à l'Inserm, il est surtout le fondateur et le directeur du Centre de recherches interdisciplinaires, le CRI, une structure hybride où étudiants et chercheurs du monde entier cohabitent autour d'un principe : croiser les disciplines, des sciences du vivant à la science sociale, et métisser la réflexion. 
Depuis juin 2013, il a permis aux élèves d'une vingtaine d'écoles parisiennes de tester une nouvelle méthode d'apprentissage par la recherche via les "saventuriers", une expérience retenue dans le programme "La France s'engage", lancé à l'Elysée. Cette créativité et cette vision de la pédagogie coopérative ont séduit la prestigieuse université chinoise Tsinghua, équivalent du MIT ou de Polytechnique. Pour fêter ses 100 ans et préparer son avenir, l'établissement, situé à Pékin, a demandé à François Taddei de venir y créer... un CRI.

Par  et , publié le 

En savoir plus : 

http://lexpansion.lexpress.fr/actualite-economique/ces-francais-qui-renouvellent-la-pensee_1616669.html#3EWlsIXfhojWtX5D.99

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