«M'Ă©coute»-t-il ou «m'entend»-il ? Et elle, «m'apporte»-t-elle du pain ou «m'amène»-t-elle du pain ? La langue française peut s'avĂ©rer très subtile. Surtout lorsqu'il est question de synonymes. Le Figaro revient sur cinq d'entre eux.
Entre vous, tout va bien. Vous vous comprenez et vous entendez bien. Mais vous écoutez-vous? Peut-être pas. Ou du moins, peut-être pas autant que vous le pensiez et l'entendiez... Les synonymes peuvent s'avérer indigestes à l'oral. Allant jusqu'à nous faire prendre un mot pour un autre.
Que comprendre par exemple dans la phrase «il est très modeste»? Que cet homme est très humble? Qu'en est-il par ailleurs de cet autre phrasĂ©: «J'apporte mes enfants Ă l'Ă©cole aujourd'hui»? Que l'on va littĂ©ralement porter nos bambins dans nos bras? Certes non!
L'art de la synonymie relève parfois de l'impossible. Pour éviter de tomber dans ces pièges, Le Figaro revient sur cinq d'entre eux.
● Atmosphère ou ambiance?
L'ambiance est au point mort. Impossible de rester dans cette soirĂ©e. D'autant que votre compagne vient de se disputer avec vos amis. L'atmosphère est Ă©touffante. Il faut changer d'air. Mais plus facile Ă dire qu'Ă faire. Surtout si vous choisissez, pour la dĂ©tendre, de glisser la rĂ©plique de Louis Jouvet Ă votre tendre. «J'ai besoin de changer d'atmosphère, et mon atmosphère, c'est toi.» Elle risquerait alors de vous rĂ©pondre piquer au vif, la terrible apostrophe d'Arletty: «Atmosphère! Atmosphère! Est-ce que j'ai une gueule d'atmosphère?»
Dommage. Si la pesanteur de l'atmosphère est un fait, elle ne doit pas, pour autant, devenir pesante... ComposĂ© du grec atmos, «vapeur humide» et sphaira, «sphère cĂ©leste», l'atmosphère est, selon Furetière au XVIIe siècle, «la partie de l'air qui est chargĂ©e de vapeurs, ou de nuages, et qui n'a pas la puretĂ© de la rĂ©gion Ă©thĂ©rĂ©e.» PassĂ©e dans les usages au XVIIIe siècle l'atmosphère devient l'air que respire une personne, puis au sens figurĂ© «ce qui environne quelqu'un ou quelque chose». D'oĂą sa synonymie avec le mot «ambiance».
Ce dernier terme, empruntĂ© au latin ambiens, de ambire «aller autour», dĂ©crit la qualitĂ© d'un milieu ambiant, ce qui «environne une personne ou une chose», indique le CNRTL. Ainsi, si vous choisissiez d'Ă©clairer vos appartements avec des bougies d'ambiance, vous crĂ©erez un climat chaleureux, avec une atmosphère chaude et douce. Bonne ambiance assurĂ©e!
● Amener ou apporter?
Peut-on amener les enfants Ă l'Ă©cole comme l'on amène un gâteau chez des amis? Rien n'est moins sĂ»r... Du latin apportare, «porter quelque chose Ă quelqu'un», le verbe «apporter» s'emploie pour parler d'une chose et «d'un objet inanimĂ©», indique le TrĂ©sor de la langue française. Lorsque l'on apporte «une pomme», on la «porte» littĂ©ralement avec soi. Pour ĂŞtre correct, on l'utilisera dans des phrases telles «j'apporte mes propres crayons en cours», «apportez-moi le dossier de Mme X», etc.
PrĂ©cisons que la formule «apporter avec soi» constitue un plĂ©onasme. Le verbe «apporter» signifie dĂ©jĂ «porter avec soi». Il en va de mĂŞme pour la locution «emmener avec soi».
Le verbe «amener», dĂ©rivĂ© de «mener», s'emploie, Ă l'inverse «d'apporter», pour parler d'animĂ©s, d'individus ou d'animaux. Il signifie «mener vers». Pour ĂŞtre exact, on l'utilisera dans des phrases comme «il amène les enfants Ă l'Ă©cole», «amène-moi ton frère!» De la mĂŞme manière que l'on pourra employer le verbe «emmener» avec des gens.
● Écouter ou entendre?
«Tu Ă©coutes ce que je te dis?», s'exclame votre mère. «Oui, je t'entends!», rĂ©pondez-vous sur la dĂ©fensive. Mais cela signifie-t-il que vous avez compris ce qu'elle vient de vous dire? Pas sĂ»r... Entendre ne signifie pas Ă©couter, mais «percevoir par ouĂŻe». Il ne nĂ©cessite aucun effort sinon celui de laisser parvenir les sons qui vous entourent Ă vos oreilles. Tout le monde peut donc entendre votre mère sans lui prĂŞter attention.
Écouter, en effet, c'est faire attention à ce que l'on entend. Du latin classique auscultare, le verbe sous-entend par essence l'idée d'action et donc, de compréhension. Ainsi, lorsque vous répondez à votre mère que vous entendez très bien ce qu'elle vous dit, vous ne mentez pas mais faites vraiment acte d'impertinence...
● Humble ou modeste?
Ils ne sont pas du genre Ă Ă©taler leur CV quand ils vous serrent la main ou Ă se glorifier d'un succès lors d'une soirĂ©e. Les personnes humbles et modestes ont ceci de commun qu'elles n'aiment pas Ă apparaĂ®tre Ă la lumière. Petite mais grande nuance tout de mĂŞme, le modeste, du latin modestus «modĂ©rĂ©, mesurĂ©, rĂ©servĂ©, vertueux», est «peu fortunĂ©, d'humble condition». Il est celui qui «affecte de se sous-estimer», indique le CNRTL. Le modeste s'emploie Ă©galement pour parler de choses «sans prĂ©tention, dĂ©pourvues d'Ă©clat».
Ce qui n'est pas le cas du mot humble, uniquement employĂ© pour parler d'animĂ©s. La personne humble, «consciente de sa faiblesse», n'affecte pas la soumission. Elle se pense «faible». Très dĂ©fĂ©rent, l'individu humble s'abaisse volontairement pour aider les autres. Il n'est donc pas Ă©tonnant de retrouver celui qui fait acte d'abnĂ©gation dans le lexique biblique plutĂ´t que celui qui fait le modeste, et qui parfois en forçant le trait, recherche en rĂ©alitĂ© les lauriers...
● Obsèques ou enterrement?
On ne sera plus lĂ pour tĂ©moigner de la justesse du mot employĂ©, mais tâchons tout de mĂŞme de ne pas finir, en commettant une erreur de vocabulaire! «L'enterrement» dĂ©signe l'acte d'enterrer, c'est-Ă -dire «mettre en terre un mort». Le mot comprend Ă©galement, depuis le XIIe siècle, l'idĂ©e de cĂ©rĂ©monie funèbre. Mais nul faste ici! L'enterrement se fait dans la discrĂ©tion, avec les proches, sans foule ni badauds.
Ă€ la diffĂ©rence des «obsèques». Du latin obsequiae «funĂ©railles», le mot sous-entend «une cĂ©rĂ©monie et un convoi funèbres en l'honneur d'un dĂ©funt», indique le CNRTL. Les obsèques sont un moment de rĂ©union entre intimes, inconnus et curieux. Les «funĂ©railles», pour leur part, qualifient les «cĂ©rĂ©monies solennelles qui accompagnent l'enterrement d'une personnalitĂ©».
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