Chaque année, quarante jours exactement après Noël, est fêtée la Chandeleur. L'occasion pour des millions de gourmands de manger des crêpes. Mais d'où vient cette curieuse tradition culinaire ? Le Figaro a mené l'enquête.
Après la bûche de Noël, la galette des rois de l'épiphanie, revoici venu le temps des crêpes de la Chandeleur! Aussi éternelle que les premières gelées de janvier, la fête chrétienne figure comme l'un des premiers rendez-vous incontournables des petits et grands enfants.
Les rĂ©fractaires aux «crĂŞpes au suc'» n'ont qu'Ă bien se tenir! Ce jeudi 2 fĂ©vrier toutes les galettes sont permises. Pas de quoi donc se crĂŞper le chignon et voir trente-six chandelles. La Chandeleur n'a nullement vocation Ă Ă©chauffer les esprits... plutĂ´t celle Ă rĂ©chauffer le cĹ“ur et les estomacs.
À cette occasion, Le Figaro vous propose de redécouvrir les histoires qui se cachent derrière cette fête chrétienne aux origines bien païennes...
● Mais pourquoi fĂŞte-t-on la Chandeleur?
Nous sommes à l'époque romaine, quelques siècles avant la naissance de Jésus-Christ. La Rome antique est principalement composée de champs et bétails entretenus par des paysans et son économie est intimement liée aux caprices du ciel, à savoir: les dieux et la météorologie.
Afin d'obtenir l'aide de ces premiers sur cette dernière, il était de coutume chez les Romains de célébrer vers le 15 février un certain Lupercus, dieu de la fécondité et protecteur des troupeaux. Pour ce faire, les habitants se réunissaient dans les champs en arborant des flambeaux, porteurs d'espoir et symbole de nouveau souffle vital. Les Lupercales étaient ainsi nées!
Remarque : La cérémonie n'est pas sans rappeler la procession celtique de l'Imbolc, célébrée à l'origine le 1er février. Cette dernière avait en effet pour vocation de célébrer la fertilité à la fin de l'hiver. En miroir des Lupercales, les habitants sortaient avec des flambeaux jusque dans les champs afin de prier la déesse Brigit, capable de purifier les terres et favoriser les futures semences.
Outre ce culte qui demeure encore contradictoire à l'heure actuelle, l'histoire raconte que la chandeleur serait dérivée de petites crêpes, symboles de l'astre solaire, offertes par les Celtes en l'honneur de leurs divinités.
Quoi qu'il en soit, la Chandeleur ne gardera de tous ces cultes païens, à sa création, que le symbole de purification. Au Ve siècle, vraisemblablement en 472, la cérémonie christianisée donnera ainsi lieu à de nouvelles représentations: elle sera la fête de Jésus au Temple et celle de la purification de la Vierge.
Sous l'instigation du pape GĂ©lase Ier, les chandelles remplaceront progressivement les flambeaux et les torches. Ce, afin de rappeler le Christ comme «lumière du monde» capable «d'Ă©clairer les nations» (Évangile, Saint Luc).
Pour l'anecdote: Ă€ la fin du cĂ©rĂ©monial, les croyants devaient ĂŞtre capables de rapporter leur cierge allumĂ© chez eux. Si la mèche s'Ă©teignait, ces derniers risquaient alors de s'attirer le mauvais Ĺ“il. Comme disait le dicton: «Celui qui la rapporte chez lui allumĂ©e, Pour sĂ»r ne mourra pas dans l'annĂ©e.»
Au lendemain de ce changement de coutume, la procession prit le nom latin de festa candelarum, «fĂŞte des chandelles», et progressivement celui qu'on lui connaĂ®t aujourd'hui, Ă savoir: Chandeleur.
● Pourquoi des crĂŞpes?
Ă€ la fois symboles du disque solaire et de l'arrivĂ©e du printemps, les crĂŞpes (de l'ancien français crespe «frisĂ©») Ă©taient originellement la mĂ©taphore et la promesse de la prospĂ©ritĂ©. Parce qu'elles ne pouvaient ĂŞtre confectionnĂ©es qu'Ă partir de farine excĂ©dentaire, les crĂŞpes Ă©taient le gage de futurs mois opulents.
Selon d'autres sources, c'est le pape Gélase Ier qui serait à l'origine des crêpes à la Chandeleur. Le pontife aurait offert des galettes dorées aux pèlerins qui se rendaient à Rome.
Proches par leur forme et leur couleur or, de la représentation du soleil, celles-ci seraient restées dans la mémoire collective comme la parfaite représentation de la fête en l'honneur du Christ, jusqu'à prendre de nos jours le sens de récréation et moment gourmand en famille ou entre amis.
Pour l'anecdote: Pour s'assurer bonheurs et succès, les paysans se lançaient, à chaque Chandeleur, le défi de la pièce d'or. L'objectif? Réussir à faire sauter de la main droite une crêpe tout en tenant de la main gauche une pièce d'or, sans la faire se retourner ou la faire tomber. Si le défi était remporté, alors l'habitant enroulait son écu dans la galette et allait le placer dans une armoire. L'aumône enfermée veillerait ainsi au grain des bonnes récoltes de la famille.
● La Chandeleur fait-elle la pluie et le beau temps?
Symbole de bonne finance pour certains: «Qui mange des crĂŞpes quand la Chandeleur est arrivĂ©e, est sĂ»r d'avoir argent pendant l'annĂ©e», de vĹ“ux de bonheur pour d'autres: «Chandelouse! Chandeleur, Bonjour! Bonne Ĺ“uvre!», la Chandeleur Ă©tait aussi un bulletin mĂ©tĂ©orologique pour les habitants d'alors.
Des prĂ©visions peu avĂ©rĂ©es nĂ©anmoins. En tĂ©moigne le nombre de dictons qui furent contradictoires. On retrouve ainsi la Chandeleur comme la reprĂ©sentation du retour des beaux jours «Chandeleur Ă ta porte, c'est la fin des feuilles mortes», comme celle de la mĂ©taphore de l'hiver glacial: «Ă€ la Chandeleur, grande neige et froideur.»
Un grand Ă©cart mĂ©tĂ©orologique explicable par la localisation des paysans en France. Ainsi pouvait-on se lancer au Pays Basque: «Ă€ la Chandeleur verdure, Ă Pâques neige forte et dure», mais Ă la mĂŞme pĂ©riode se flanquer d'un «Quand Notre-Dame de la Chandeleur luit, l'hiver de quarante jours s'ensuit» dans le Nord. Plus timorĂ©s, les Bourguignons trancheront avec raison: «Ă€ la Chandeleur, l'hiver s'apaise ou reprend vigueur».
Commentaires
Enregistrer un commentaire