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La Fondation Vuitton sur la piste de l'art africain

Le musée met le cap sur le continent noir, de ses artistes historiques réunis dans la collection Pigozzi à la jeune scène sud-africaine. Couleurs et émotions, puissance des idées et questions, il y a de quoi ravir, surprendre et passionner.




Voilà un voyage qui s'appelle un raccourci. Le continent africain est d'une telle échelle, chez ses artistes, dans sa géographie et ses sociétés, qu'un guide est le bienvenu. Il y en a plusieurs, et de forts tempéraments, dans cette exposition «Art/Afrique, le nouvel atelier» qui transporte toute la Fondation Vuitton sous une autre latitude jusqu'au 28 août. Le premier est aussi massif que mordant. Défricheur et farouchement personnel, Jean Pigozzi livre sa vision à travers vingt ans de sa collection pionnière, réalisée avec son envoyé spécial, André Magnin. «Il y avait trois règles auxquelles je n'ai pas dérogé: les artistes devaient être d'Afrique noire, y vivre et y travailler. Il n'y a pas, dans la collection, d'artistes de la diaspora et pas non plus d'artistes d'Afrique du Nord (…). Je m'intéresse aux artistes dont la créativité n'est pas “polluée” par un enseignement transmis par une école d'art, ni par la fréquentation des musées où l'on voit des Renoir, des Klimt, des Picasso. Les artistes de la collection étaient finalement presque tous des autodidactes dont l'inspiration venait à 99% de leur culture, de leur vie quotidienne et parfois des images qu'ils voyaient dans Paris Match ou d'autres magazines», dit-il à Suzanne Pagé, directrice artistique de la Fondation Vuitton. Un souffle intact parcourt cet état des lieux, des tableaux à clé de Chéri Samba aux sculptures hantées de John Goba et Seni Awa Camara.

Inventions

De ce choix délibéré naissent des mondes singuliers que la scénographie colorée met superbement en relief. Les masques en bidons de Romuald Hazoumè sont géniaux d'inventions et de simplicité par leurs modestes détails significatifs, une natte africaine, des yeux en haut-parleurs. Ceux de Calixte Dakpogan qui se servent de stylos-bille, d'ampoules électriques, de cadenas, le sont tout autant. Le répertoire en noir et blanc des coiffures et des nattes africaines par feu J. D. ‘Okhai Ojeikere sont déjà des classiques de biennales que d'autres photographes, comme la Française Lucille Reyboz, ont réinterprétés. Les portraits pleins de superbe de feu Seydou Keïta annoncent ceux si vivants et optimistes de Bamako l'indépendante par feu Malick Sidibé. Un régal.
Ce fil, historique, permet de progresser dans l'espace et le temps. La scène sud-africaine, si aiguë et politique, est une rivière à part, charnelle, tumultueuse, déchirante, comme les chiens aux yeux fous du grand David Koloane. L'installation de Jane Alexander avec ses chiens de garde est glaçante. Les vidéos et collages de William Kentridge, enivrantes de poésie dada. Les portraits et autoportraits de Zanele Muholi sont la confirmation de son talent, puissant comme un envoûtement. Les autoportraits en tapisserie d'Athi-Patra Ruga sont d'une belle insolence à la Almodovar. Les photos de David Goldblatt, sobres et directes, stigmatisent les affres d'un monde post-apartheid qui se cherche et teste l'idée même de la liberté.
 Publié http://www.lefigaro.fr/arts-expositions/2017/05/10/03015-20170510ARTFIG00007-la-fondation-vuitton-sur-la-piste-de-l-art-africain.php
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